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LE DETACHEMENT DES SALARIES A L'EPREUVE DES REALITES DU TRANSPORTS ROUTIERS

Le 06 juillet 2016
LE DETACHEMENT DES SALARIES A L'EPREUVE DES REALITES DU TRANSPORTS ROUTIERS
Le 06 août 2015, le gouvernement a souhaité accroître les contrôles relatifs au respect de la législation sociale lors de l’envoi de travailleurs étrangers sur le territoire français au travers de la loi dite loi Macron

Le 06 août 2015, le gouvernement, aidé en cela par le législateur français, a souhaité accroître les contrôles relatifs au respect de la législation sociale lors de l’envoi de travailleurs étrangers sur le territoire français au travers de la loi dite loi « Macron ».

 L’idée est celle de la nécessité de lutter contre un comportement anticoncurrentiel qui consisterait à faire appel à une main d’œuvre et/ou à une sous-traitance venant d’un pays de l’Union européenne pour l’exécution de tâches, de missions et/ou d’activités sur le territoire français pour un coût moindre par rapport à la même prestation effectuée par un salarié et/ou une entreprise française.

 C’est l’image du fameux « plombier polonais »…

 Dans l’esprit de la Directive européenne du 16 décembre 1996 (n° 96/71/CE), codifiée à l’article L 1262-4 du code du travail, la loi Macron rappelle le principe de l’existence d’un socle commun de droits sociaux qui doivent être garantis à tout salarié intervenant sur le territoire français, que cette main d’œuvre soit française et/ou étrangère, qu’elle soit employée par des entreprises françaises et/ou étrangères, pour les domaines suivants :

           -         Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;

           -         Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

           -         Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d'accueil de l'enfant, congés pour événements familiaux ;

           -         Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;

           -         Exercice du droit de grève ;

           -         Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;

          -         Conditions d'assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;

          -         Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires, ainsi que les accessoires de salaire légalement ou conventionnellement fixés

         -         Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d'admission au travail, emploi des enfants

         -         Travail clandestin

 Outre l’instauration de modalités de contrôle passant notamment par l’accomplissement de formalités administratives, la loi Macron a élargi, plus ou moins volontairement, la notion et la définition de salarié détaché.

 Il est apparu nécessaire de rappeler les principes applicables en la matière et d’analyser le dispositif nouvellement créé par la France qui relève plus d’un millefeuille administratif que d’une véritable révolution juridique, dont on peut d’ailleurs s’interroger sur l’applicabilité ou plus exactement sur l’opposabilité à l’égard des entreprises étrangères. 

 
            1 / - Sur la notion de salarié détaché

 La loi du 6 août 2015 et son décret d’application en date du 7 avril 2016 n’apporte aucune précision sur la définition du « détachement de salarié », se contentant de renvoyer aux dispositions des articles L 1262-1 et 2 du code du travail, qui décrit le détachement selon 3 hypothèses :

      - Entreprise étrangère qui met l’un de ses salariés à disposition d’une autre entreprise du même groupe ou d’un autre établissement situé en France.
      - Entreprise de travail temporaire établie à l’étranger qui met un salarié à disposition d’une entreprise utilisatrice française.
   - Exécution par une entreprise étrangère d’une prestation de service transnationale à destination d’une entreprise établie en France.

Si les deux premières définitions sont parfaitement claires et ne posent pas de difficulté, il en va différemment du dernier cas visé par le code du travail dans la mesure où un chauffeur routier étranger sera considéré comme détaché s’il exécute des opérations de services transnationales.

En d’autres termes, tout chauffeur routier provenant d’une entreprise basée en dehors des frontières françaises, serait à considérer comme étant détaché, dès lors qu’il franchit la frontière française et qu’il ne le fait pas dans le cadre d’un simple transit.

Cette définition permet de considérer que les chauffeurs effectuant des opérations de cabotage seront considérés comme salariés détachés soumis à la nouvelle réglementation.
La difficulté réside sur la question des prestations transnationales (expédition/réception en France) car à s’en tenir à la loi, le chauffeur belge effectuant un transport au départ de son pays et à destination de la France sera considéré comme travailleur détaché dès qu’il passera la frontière française.

Il en sera de même si on ajoute l’intervention d’un sous traitant d’un autre pays européen.

Sur notre interrogation, la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) nous a confirmé que si cette loi avait pour dessein de lutter contre les opérations de cabotage effectuées par des chauffeurs étrangers, elle pouvait parfaitement être opposée à tous les transports internationaux à destination ou au départ de la France.

Elle nous a précisé être en attente d’un «  éclaircissement » des pouvoirs publics au regard de l’interprétation particulièrement extensive de cette loi, et que durant cette période expectative, il n’y aurait pas de contrôle sur ces dispositions.

L’inspection du travail a également été interrogée et nous avons obtenu une réponse équivalente à savoir qu’effectivement la loi s’appliquait à tous et donc à tous les transports transfrontaliers et qu’il faudrait examiner la situation au « cas par cas  avec l’inspection du travail compétente».

Le ministère de l’économie et du travail a fait savoir que les services de contrôles chargés de la mise en œuvre de cette réglementation seraient invités à agir avec discernement en tenant compte de la gravité des éventuels manquements et des caractéristiques de la mission exercée par le salarié.

Il est donc probable que la loi ne sera jamais appliquée aux opérations de transports transfrontaliers  considérées comme « ponctuelles ».

L’objectif principal est d’assainir les règles de concurrence notamment par rapport à l’activité de cabotage et ce, afin de tenir compte du mécontentement grandissant des chauffeurs français et des petites entités de transports exploitant sur le territoire français.

Le second objectif est de lutter contre la délocalisation des entreprises de transport installées en France qui sont tentées par la constitution de filiales étrangères, notamment dans les pays de l’est, dans l’unique dessein de disposer d’une main d’œuvre bon marché.

 

            2 / - Sur les obligations applicables aux salariés détachés

 Depuis 2014, les entreprises non établies en France qui souhaitent fournir des prestations de services sur le territoire national en détachant des salariés doivent déposer une déclaration préalable de détachement.

Pour le domaine du transports, la Loi nouvelle substitue à cette déclaration préalable l’attestation de détachement qui doit être complétée, pour chaque salarié détaché, avant le commencement de la prestation.

Elle doit être rédigée en Français, en deux exemplaires, dont l’un sera conservé par le chauffeur à bord de son véhicule et l’autre confié au représentant de l’employeur en France.

La validité de l’attestation est conditionnée à la durée de la prestation sans pouvoir dépasser 6 mois.

L’attestation de détachement doit être établie quelle que soit la durée de l’opération de transport alors qu’auparavant la déclaration préalable de détachement concernait uniquement les opérations de détachement supérieures à huit jours.

Il conviendra de mentionner dans cette attestation le taux de salaire horaire brut, converti en euros si nécessaire, ainsi que les modalités de prise en charge par l'entreprise des frais engagés pour l'hébergement et les repas, par jour de détachement, attribués au salarié détaché.

Les formulaires Cerfa sont annexés à la présente.

A l’occasion d’un contrôle, le chauffeur doit être en mesure de produire l’attestation de détachement ainsi que son contrat de travail. Le cas échéant, il doit également posséder un exemplaire traduit en français des documents suivants :

-         En cas de détachement intragroupe : copie de la convention de mise à disposition et avenant à son contrat de travail,

-         En cas de détachement par une entreprise de travail temporaire : contrat de travail temporaire et contrat de mise à disposition auprès de l’entreprise établie en France.

Pour tout détachement d’un salarié sur le territoire français, vous devez enfin désigner un représentant sur le territoire national, chargé d’assurer la liaison avec les services de contrôles français.

Ce représentant doit désormais être en mesure de présenter les documents mentionnés à l’article R1331-4 du Code des Transports et établissant la réalité du salaire du personnel détaché ainsi que l’effectivité de son versement. Il s’agit notamment des bulletins de paie du salarié.

             3 / - Sur les responsables, les responsabilités et les sanctions

 En cas de manquement à ses obligations, le transporteur encourt :

 -         une amende contraventionnelle de 4ème classe pour absence d’attestation à bord du véhicule ou attestation non conforme (750€ maximum),

-         une amende de 3ème classe pour absence à bord du véhicule du contrat de travail et de la convention de mise à disposition du salarié (450€ maximum)

Le transporteur s’expose en outre des amendes administratives en cas de manquement aux obligations de déclaration du détachement ou de désignation d’un représentant et l’autorité administrative peut vous enjoindre d’avoir à vous conformer à la législation, au besoin en suspendant la prestation de service.

 L’article R 1331-6 du code du travail consacre la coresponsabilité financière du destinataire et du donneur d’ordre.

Ainsi, le donneur d’ordre et le destinataire du transport sont susceptibles de voir leurs responsabilités engagées en cas de manquement à la législation sociale commis par le prestataire de service dans la mesure où la loi leur impose un devoir de vigilance portant notamment sur la vérification de la présence d’une attestation de détachement dûment complétée et signée par l’employeur du salarié détaché. (cf articles L 1262-1 et 2 du code du travail)

A défaut de s'être fait remettre par son cocontractant une copie de cette déclaration, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre adresse, dans les quarante-huit heures suivant le début du détachement, une déclaration à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation.

Le donneur d’ordre, alerté par les agents de contrôles d’irrégularités préjudiciables au salarié détaché en matière de rémunération, aura obligation d’enjoindre le prestataire de service d’avoir à régulariser la situation et devra informer l’agent de contrôle des suites données à cette injonction.

En cas d’hébergement du salarié dans des conditions indignes, il aura également obligation d’enjoindre son co-contractant de régulariser la situation et en cas d’absence de régularisation effective, d’avoir à prendre à sa charge l’hébergement du salarié.

Si le destinataire est la seule partie au contrat établi en France, il est tenu aux obligations mises à la charge du donneur d’ordre et peut également voir sa responsabilité engagée.

A défaut de satisfaire à leurs obligations, le donneur d’ordre et le destinataire peuvent être tenus solidairement du paiement des salaires. Ils engagent en outre leur responsabilité pénale et financière.

 *

Loin d’avoir répondu à la nécessité de maintenir une concurrence loyale dans le domaine du transport, cette loi nouvelle sera source d’un contentieux multiple au gré des interprétations des administrations.

 Cela étant, il serait également utile de s’interroger sur l’applicabilité et l’opposabilité de certaines dispositions de cette loi notamment quant à une volonté d’imposer à des entreprises  dont le siège social est sis hors de France, les dispositions du code du travail ! 

 
Gabriel DENECKER
Ophélie LECOLIER
Avocats 

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