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L’OBLIGATION DE DENONCER LE CONDUCTEUR PAR LE CHEF D’ENTREPRISE : MYTHE OU REALITE

Le 29 juin 2017
L’OBLIGATION DE DENONCER LE CONDUCTEUR PAR LE CHEF D’ENTREPRISE : MYTHE OU REALITE
Le chef d'entreprise doit-il dénoncer l'auteur d'une infraction routière commise par l'un de ses collaborateurs avec un véhicule de société ? Que risque t-il à s'opposer à l'obligation de délation ?
On ne se méfie jamais assez de la Vox Populi.
 
A bas les libertés fondamentales, Vive le front sécuritaire.
 
L’obligation de délation devient le principe et s’impose au justiciable dans le domaine des infractions routières constatées au moyen d’un système automatisé. En effet, l’article L 121-6 du code de la route impose, depuis le 1er janvier dernier, au chef d’entreprise, d’avoir à dénoncer l’auteur de l’infraction routière commise avec le véhicule de l’entreprise.(1)
 
Jusqu’à présent, l’entreprise n’avait pas d’obligation à dénoncer son collaborateur, auteur d’une telle contravention routière, le législateur prévoyant dans cette hypothèse que le titulaire du certificat d’immatriculation demeurait responsable pécuniairement du montant de l’amende dont le quantum était laissé à l’appréciation du Parquet de police en fonction de la qualification pénale retenue.(2)
 
Cette responsabilité pécuniaire excluait toute responsabilité pénale dans la mesure où bien entendu le ministère public demeurait dans l’incapacité d’établir l’identité du conducteur et n’emportait donc aucun retrait de points.
 
Cette réglementation bénéficiait à tout justiciable, entreprise, organismes publiques et/ou particulier.
 
Ainsi, un père disposait toujours de la faculté de ne pas avoir à dénoncer un proche.
 
Cette réglementation était même plus favorable aux personnes physiques en leur permettant de justifier qu’elles ne pouvaient être l’auteur de l’infraction routière ce qui les dispensait de toute responsabilité financière.
 
Faculté qui avait été retirée aux personnes morales.
 
Pour autant, les associations ultra sécuritaires et/ou dans les commentaires des pouvoirs publics notamment, il s’est agi de stigmatiser le comportement des seuls dirigeants d’entreprise, qui, au volant de « grosses cylindrées », circulaient sans respecter les limitations de vitesse avec un sentiment d’impunité.
 
Le législateur est intervenu et ce faisant, a rompu le principe d’égalité de tous les citoyens devant la Loi. Désormais, le chef d’entreprise qui refusera de dénoncer son salarié, son collaborateur, son collègue voire un membre de sa famille travaillant à ses côtés, sera passible d’une contrevention de 4ème classe.(3)

 

Il s’agit désormais d’une incrimination pénale et non plus simplement d’une responsabilité pécuniaire.

 

Dans les faits, les 1ers avis de contravention « pour non dénonciation de conducteur » émis par le Centre de contrôle automatisé de Rennes ont été adressés, par courrier simple, à compter de la fin de la 1ère quizaine d’avril 2017.

 

Avis de contravention adressés non pas au contrevenant mais directement au nom de l’entreprise et/ou de la personne morale, titulaire du certificat d’immatriculation sans mentionner que cette infraction vise le seul représentant légal.

 Les amendes réclamées sont multipliées par 5 s’agissant d’un auteur personne morale.

 Une requête en exonération est reproduite au dos de l’avis de contravention.

 Il est pour le moins permis de s’interroger sur l’identité de l’auteur de l’infraction de « non dénonciation de conducteur ». Cette incrimination est-elle imputable à l’entreprise, à son dirigeant ou à toute personne disposant d’une délégation ? S’agit-il d’une responsabilité collective ?

 La question mérite d’être posée au regard de la rédaction du texte incriminateur.

Par souci de simplification, le ministère public s’est contenté d’émettre ses contraventions à l’attention des seules personnes morales à l’exclusion de son ou ses représentants légaux. Il s’est donc agi de dupliquer la procédure mise en œuvre sur le fondement de l’article L 121-3 du code de la route relative à la responsabilité pécuniaire du titulaire du certificat d’immatriculation.

 L’article L 121-3 du code précité n’est pas un texte incriminateur, il n’est pas constitutif d’une infraction pénale.

 Est-ce à dire qu’une nouvelle incrimination pourrait voir le jour, dans un avenir proche, de non dénonciation par la personne morale de son responsable, personne physique, qui aurait lui-même omis de dénoncer le conducteur ?

 Doit-on se dénoncer soi-même alors que l’entreprise est constituée d’un seul associé/dirigeant et n’a pas de salarié ?

 Peut-on imputer cette infraction au chef d’entreprise ou à l’entreprise alors que le site internet ANTAI permettant de payer les amendes ne permet pas à l’auteur du paiement de pouvoir s’identifier ?

 Les 1ers jugements du Tribunal de police ne sont pas attendus avant quelques mois et il est bien évident que la jurisprudence risque d’être pour le moins abondante et fluctuante en l’absence de position de la Cour de Cassation.

 Résistons.

 Soyez Vigilant et Bonne Route.

 Gabriel Denecker
Avocat 

(1)     article L 121-6 du code de la route : "Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 (essentiellement les appareils de contrôle automatique) a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.

Le fait de contrevenir au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 4ème classe."  

(2)     Extrait de l’article L 121-3 du code de la route : " …Le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule est redevable pécuniairement de l’amende encourue pour les infractions dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol ou de tout autre évènement de force majeure ou qu’il n’apporte tous éléments permettant d’établir qu’il n’est pas l’auteur véritable de l’infraction…".  

(3)     Le montant des amendes de 4ème classe est de :

-          90 euros (amende minorée) en cas de paiement dans les 15 jours ;

-          135 euros (amende forfaitaire) en cas de paiement entre 15 et 45 jours ;

-          375 euros (amende majorée) au-delà.

Devant le Tribunal de police cette infraction peut donner lieu au prononcé d’une amende jusque 750 euros.

 

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