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L’OBLIGATION DE DENONCIATION ET SON IMPOSSIBLE EXECUTION

Le 22 décembre 2017
L'idée selon laquelle le chef d'entreprise est tenu de dénoncer l'auteur d'une contravention commise avec un véhicule d'entreprise a vécue, il semble que les Juridictions répressives se rangent aux arguments des Avocats
Dès l’entrée en application de l’article L 121-6 du code de la route imposant à compter du 1er janvier 2017 au chef d’entreprise d’avoir à dénoncer l’auteur d’une infraction routière relevée lors de l’utilisation d’un véhicule dont la carte grise était établie au nom d’une personne morale, nombre d’entre nous, ayant à connaître du contentieux dit du droit routier, se sont interrogés sur la légalité d’un tel texte et sur les incongruités de sa mise en œuvre.(1)
 
Pour mémoire, précédemment, l’entreprise, la société, l’association et plus généralement toute personne morale, n’étaient pas tenues à dénoncer l’auteur d’une infraction routière, de nature contraventionnelle, commise avec un véhicule professionnel.
 
A défaut pour le Parquet de pouvoir identifier le conducteur, le titulaire du certificat d’immatriculation demeurait responsable pécuniairement du montant de l’amende dont le quantum était laissé à l’appréciation du Tribunal de police en fonction de la qualification pénale retenue sur le fondement de l’article L 121-3 du code de la route.(2)
 
Dispositions qui bénéficiaient et qui bénéficient toujours aux personnes physiques permettant d’éviter de devoir désigner un proche.
 
La paix familiale semble plus importante que la paix sociale pour nos gouvernants. Croyant devoir satisfaire à la Vox Populi ainsi qu’aux pressions constantes des associations de luttes contre les infractions routières et face à une recrudescence des accidents mortels sur nos routes, le gouvernement s’est mis en tête de sanctionner tous ces « vils » chefs d’entreprises qui sous le couvert d’un véhicule immatriculé au nom de leur société pouvaient impunément s’affranchir des régles de conduites routières et/ou couvraient leurs collaborateurs peu respectueux du code de la route.
 
Cette réforme s’est faite au mépris du principe d’égalité de tous devant la loi et ce qui demeure désormais possible pour la personne physique ne l’est plus pour une personne morale voire même pour un artisan.
 
Le gouvernement est parvenu à créer une différence là où nous étions tous égalitaires…avec la création de cette nouvelle incrimination pénale.
 
Bien évidemment, nous étions dans les « startings blocs » pour saisir l’opportunité d’une  convocation devant le tribunal de police aux fins de soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
 
C’est désormais chose faite suivant audience du Tribunal de police d’Angers du 13 octobre dernier, mes confrères représentants un chef d’entreprise cité sur le fondement de l’article L 121-6 du code de la route, ont déposé une « QPC »  en estimant que ce texte  était contraire « …aux principes d’égalité des citoyens devant la Loi, aux droits de la défense incluant notamment le droit à une procédure juste et équitable, au principe de clarté et à l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la Loi… ».
 
La Juridiction saisie a considéré la question suffisamment sérieuse pour la transmettre à la Cour de Cassation. La Haute Juridiction dispose désormais d’un délai de 3 mois pour se prononcer sur la recevabilité et le bien fondé de cette QPC et dans l’affirmative cette question sera transmise au Conseil Constitutionnel qui disposera également d’un délai de 3 mois.
 
 
Hormis cette question de constitutionnalité, certaines Juridictions de Police ont également suivi les arguments relatifs à l’irrégularité de la procédure initiée par le Centre automatisé de constatations des infractions routières sis à Rennes.
 
La nébuleuse ingénierie concoctée par le Centre automatisé ne peut que laisser pantois.
 
Alors que l’infraction de 4ème classe nouvellement constituée vise expressément le chef d’entreprise, le dirigeant, le chef d’état major…les avis de contravention, eux, sont notifiés au nom et à l’ordre…des personnes morales !!!
 
Bien évidemment s’agissant de personnes morales, il est réclamé des amendes dont les quantums sont quintuplés. Ainsi pour une amende forfaitaire, il est réclamé à l’entreprise une somme de 450 euros si le paiement intervient sous quinzaine et à défaut le montant est porté à la somme de 675 euros puis de 1.875 euros pour une amende forfaitaire majorée (passé un délai de 45 jours à compter de l’émission de l’avis de contravention initial).
 
Nombre d’entreprises se sont acquittées de cette amende forfaitaire pour éviter un coût financier sans commune mesure avec leur trésorerie.
 
Nouvelle forme d’extorsion ou procédure parfaitement légale, je vous laisserai seul juge.
 
Des artisans, des commerçants, des professions libérales ont réceptionné ce type d’avis de contravention bien que ne disposant d’aucun salarié et d’un véhicule professionnel et ce, après s’être acquitté du montant de l’infraction qu’ils reconnaissaient puisqu’étant les seuls conducteurs de ce véhicule professionnel.
 
Pour autant, l’administration n’en démord pas, il lui faut une dénonciation en bonne et due forme.
 
Est-on tenu de se dénoncer soi-même ?
 
Le Cour Européenne des droits de l’homme a rappelé le principe selon lequel toute personne à le droit de ne pas témoigner sur soi-même, corrolaire du droit de se taire. Cette même Juridiction a souligné l’existence d’une «…autre composante du droit de se taire, découlant du principe de la présomption d’innocence, c’est le droit de ne pas s’auto-incriminer ».
 
Le droit français s’est mis en conformité avec les principes ci-avant rappelés.
 
Pour autant et par souci de simplification, le ministère public s’est contenté d’émettre ses contraventions à l’attention des seules personnes morales à l’exclusion de son ou ses représentants légaux. Il s’est donc agi de dupliquer la procédure mise en œuvre sur le fondement de l’article L 121-3 du code de la route relative à la responsabilité pécuniaire du titulaire du certificat d’immatriculation alors que le texte incriminateur vise expressément une personne physique, à savoir le représentant légal de l’entreprise.
 
Il a également été considéré que l’infirmière, le médecin, l’expert comptable, l’auto entrepreneur…devait non seulement payer l’amende en relation avec l’infraction routière commise et reconnue mais qu’au surplus il devait également s’auto dénoncer sous peine de se voir imputer une nouvelle infraction : le refus de dénoncer l’auteur des faits !!!
 
L’administration a parfaitement conscience de l’hérésie de la situation mais estime à ce jour que le taux de contestation est insignifiant au regard du nombre d’avis de contravention envoyés depuis le mois de janvier 2017 et du retour sur investissement. 
 
Cette procédure est entachée d’irrégularités qui ne manqueront pas d’être relevées par les Juridictions avec ou sans l’aide des Avocats et/ou des Justiciables. Personne ne doit être tenue de se dénoncer ou de dénoncer son collaborateur, un ami, un collègue et/ou un parent plus ou moins proche et il appartient à chacun de résister face à une disposition inique.
 
Soyez Vigilant et Bonne Route.
 
Gabriel Denecker
Avocat

 (1)     Article paru sur le site « traitsdunion-avocats.fr » en date du 29 février 2017 intitulé « L’obligation de dénoncer le conducteur par le chef d’entreprise : mythe ou réalité »

(2)     Article L 121-6 du code de la route : "Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 (essentiellement les appareils de contrôle automatique) a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
Le fait de contrevenir au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 4ème classe."
 
(3)     Extrait de l’article L 121-3 du code de la route : " …Le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule est redevable pécuniairement de l’amende encourue pour les infractions dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol ou de tout autre évènement de force majeure ou qu’il n’apporte tous éléments permettant d’établir qu’il n’est pas l’auteur véritable de l’infraction…". 
 
(4)     Le montant des amendes de 4ème classe est de : (pour les personnes physiques)
-          90 euros (amende minorée) en cas de paiement dans les 15 jours ;
-          135 euros (amende forfaitaire) en cas de paiement entre 15 et 45 jours ;
-          375 euros (amende majorée) au-delà.
Devant le Tribunal de police cette infraction peut donner lieu au prononcé d’une amende jusque 750 euros.
 

 Traits d’Union

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